2, c’est mieux
ou comment des ados horny, la guerre froide et Pepsi peuvent influencer la culture populaire...
Bienvenue à l’infolettre Disque dur, l’endroit ou trois nerds de musique qui aiment s’entendre parler peuvent maintenant s’entendre écrire.
En 1968, le regretté Harry Nilsson a chanté que «one is the loneliest number».
Ce qui pourrait nous laisser croire que nous sommes maintenant sortis du bois puisque nous sommes déjà à la deuxième édition de cette infolettre.
Mais non.
L’esti a enchaîné avec «Two can be as bad as one, it's the loneliest number since the number one».
Nous sommes donc voués à la solitude pendant au moins une autre semaine.
Ce qui nous mène à notre thématique de cette édition-ci: le chiffre 2.
Semaine 2, chiffre 2… c’est le genre de non-cassage de bécyk auquel vous pouvez vous attendre de notre part.
Eh oui, le 2 a toujours eu une place importante dans la musique, que ce soit les duos mythiques, comme Daryl Hall et John Oates, ou encore le nombre de singles à succès à viser pour ne pas faire partie du damné club des one hit wonders.
Désolé Lou Bega.
En passant…
en marge de notre infolettre de la semaine dernière sur nos chansons des Fêtes préférées, on vous a préparé un billet de blogue qui aborde une douzaine de tounes qui devraient être écoutées pendant les Fêtes sans toutefois être des chansons qui parlent de dinde ou du p’tit Jésus. C’est à lire en cliquant ici.
Bon, assez jasé, voici nos suggestions de la semaine…
LES CHOIX D’ANDRÉ
Blast Off! de Weezer
Parlons de la sophomore slump (ou de la malédiction du deuxième disque, si vous préférez).
Entre l’envie de plaire à un public gagné d’avance et l’ambition d’en rejoindre un autre, plusieurs artistes s’y cassent les dents et, évidemment, Pinkerton de Weezer y tient une place de choix.
Tout d’abord boudé par la critique - direction musicale malhabile, textes trop horny, production trop crue, détonnant de celle plus rock pop de l’album bleu -, Pinkerton aura toutefois été reçu à bras ouverts, justement, par des ados malhabiles, crus et horny (j’en suis!) puis servira de pierre angulaire, en quelque sorte, aux premiers mouvements de la mouvance emo.
Des années plus tard, l'œuvre est finalement célébrée en ce sens… mais de plus en plus de fils sur Reddit, par exemple, soulignent les textes souvent problématiques du LP. Le buzz autour s’efface donc à nouveau. Ne se sort pas de la malédiction du deuxième opus qui veut!
Le plus désolant là-dedans, c’est que Pinkerton ne devait même pas être le deuxième album de Weezer!
Avant d’assumer ses propos, le chanteur et parolier Rivers Cuomo cachait son érection - et ses appréhensions de rock star en devenir - derrière un opéra rock intergalactique (oui, oui) nommé Songs From The Black Hole, concept à grand déploiement - pis un peu risible, on va s’le dire - qui aura finalement été “scrappé” au profit de Pinkerton. Certaines pièces - Tired of Sex, Getchoo, No Other One et Waiting On You - survivront toutefois à la transition.
Blast Off (décollage, t’sais) lançait justement le bal pis, même dans un contexte de démo, torche l’essentiel de la discographie de Weezer post-Maladroit (sauf trois exceptions: les albums OK Human, Everything Will Be Alright In The End et la toune Memories.
En passant, mon top 5 actuel de Weezer du moment…
Everything Will Be Alright In The End
OK Human
Pinkerton
L’album bleu
L’album vert
Drinking In L.A. de Bran Van 3000
C’est mon second choix, car - chauvinisme oblige - c’est une des rares pièces “locales” comptées au sein de la série de compilations Big Shiny Tunes et, surtout, à se retrouver sur la meilleure édition du lot: la deuxième (c’était également, en 2007, la plus vendue de la bande avec plus de 1, 3 millions d'exemplaires écoulés).
À ce sujet, je vous recommande l’article An oral history of Big Shiny Tunes: the CD that defined a Canadian era ainsi que le livre Shine: How a MuchMusic Compilation Came to Define Canadian Alternative Music and Sell a Zillion Copies qui reviennent sur la petite histoire du projet. J’aimerais vous en dire plus sur le bouquin, mais mon exemplaire est entre les mains de Philippe depuis DES ANNÉES alors le souvenir est un peu flou (come on Phil, esti. Redonne-moi ça).
M’enfin, Big Shiny Tunes aura autant permis de faire connaître des artistes “d’un océan à l’autre” (il y avait aussi de la magouille de labels derrière itou si je me rappelle bien), mais aussi de confirmer un certain rock alterno à la canadienne (un genre de grunge plus poli et, surtout, plus plate).
Drinking In L.A. est aussi revenue dans la culture populaire au cours des dernières semaines lorsque la chanteuse et avocate Stéphane Moraille a révélé en entrevue à la CBC que le gérant du groupe à l’époque - Gary Gersh (à qui l’on “doit” également Nirvana) - et Audiogram, le label du band, l’auraient mise de côté pour promouvoir la chanson, car elle “sonnait” trop… “urbaine”.
Di Salvio, notamment, se serait excusé des années plus tard, mais quand même… ouch!
MEAN! de Madeline the Person
Au fil des plateformes musicales (de la radio à Spotify et compagnie jusqu’à TikTok de nos jours), on constate que les succès sont de plus en plus courts.
Une étude datant de 2018 abonde également dans ce sens, notant que, depuis 2000, les tubes de l’heure font jusqu’à 40 secondes de moins qu’auparavant. Comme le raconte Billboard, les algorithmes seraient mis en cause, car les pièces qui sont davantage mises de l’avant sur ces différentes plateformes sont souvent celles qui sont écoutées entièrement.
Pis comme plus une toune est courte, moins on a la tentation de la sauter, t’sais…
Parmi celles-ci, on note MEAN! de Madeline the Person, chanson la plus populaire de l’année sur TikTok au Canada. Elle fait moins de 2:30. En Angleterre et aux États-Unis, l’honneur revient au hit pop Sunroof de Nicky Youre & dazy.
Cette toune est, tout comme l’autre, incroyablement moyenne et sous la barre des trois minutes avec 2:55.
LES CHOIX DE STEPH
Voici trois chansons qui n’ont pas dépassé le numéro 2 des palmarès…
Like A Rolling Stone de Bob Dylan
Le moment fatidique (ou à peu près) où le barde nobélisé a décidé de s’électrifier au détriment de la horde de folkeux qui se l'imaginait passer sa vie avec une guitare acoustique et un harmonica attaché au cou.
Peut-être que la plèbe fâchée a empêché Dylan de grimper au sommet des palmarès?
Naaannn. C’est déjà un exploit de se rendre au numéro deux avec une toune de 6 minutes!
Can't Take My Eyes Off You de Frankie Valli
Celle-là je la comprends pas! Tout, tout, TOUT est catchy là-dedans : le refrain, les couplets… même l’intro!
La toune ENTIÈRE sonne comme un hook! C’est pas pour rien qu’elle a été reprise plus de 300 fois!
Je conseille personnellement les versions des Easybeats, de Manic Street Preachers… et sans oublier celle offerte dans la langue de Macron par Line Renaud: Une poussière dans le cœur.
99 Luftballons de Nena
Quoi? Cet hymne à la gloire du désarmement nucléaire en bilingue (allemand et anglais) n’a pas su profiter du dernier droit de la guerre froide en trônant au numéro 1?
Hé ben… (OK. Rendu là, on s’en fout des palmarès)
Le build-up du refrain avec la guitare plus agressive fut peut-être mon deuxième émoi punk-ish après Ça plane pour moi.
LES CHOIX DE PHIL
It Takes Two de Rod Stewart et Tina Turner
Au tournant du millénaire, Pepsi a essayé de se démarquer comme étant la liqueur brune des jeunes cool. Avec ses slogans comme «Generation Next» ou des stunts publicitaires comme les Pepsi Points, c’était clair qui était le public cible du liquide sucré.
La compagnie a même fait appel à plusieurs personnalités pour essayer de vendre leur produit, comme Beyoncé, Britney Spears et même Michael Jackson (qui a littéralement pris feu durant le tournage de sa célèbre publicité).
Mais en 90, on n’était pas encore là.
Pepsi Co a plutôt fait appel à deux immenses stars, connues pour leurs voix rauques et les chevelures folles: eh oui, Rod Stewart (!) et Tina Turner (!)
Chantant ensemble pour la première fois, les deux vedettes ont eu comme mandat de reprendre le classique de Marvin Gaye et Kim Weston It Takes Two. Étonnamment, c’est quand même le fun comme pub, et leur version s’est même retrouvée sur les greatest hits des deux artistes.
On s’entend, ce n’est pas la pire reprise de Rod Stewart.
Les deux printemps de Daniel Bélanger
Ça serait quand même cool de pouvoir remplacer l’été par un deuxième printemps…
Honnêtement, c’est un peu futile de recommander cette pièce-ci étant donné qu’elle est déjà considérée comme l’une des plus importantes de l'histoire du Québec, mais je feelerais weird de ne pas le faire.
Two Hearts de Bruce Springsteen
L’auteur Stephen King a déjà dit la phrase «kill your darlings». Par cela, il voulait dire que, parfois, c’est mieux de se débarrasser d’aspects qu’on aime quand on crée une œuvre afin d’en faire quelque chose de plus concis.
Visiblement, Bruce Springsteen n’était pas dans cet état d’âme quand il a élaboré The River et c’est une bonne chose.
S’il avait essayé de faire un album de durée normale plutôt que son monstre de 83 minutes (le seul album double du Boss, d’ailleurs), probablement que ce joyau pop-rock se serait retrouvé aux poubelles. Une chance que non.
Chanson en prime parce qu’une liste avec 10 items, c’est plus sexy:
Comme avant de 2Frères
Bon, arrêtons de bouder notre plaisir. Cette toune-là est un bop, pis vous le savez.
On se retrouve la semaine prochaine, même heure, même jour, même boîte de réception. En attendant, vous pouvez nous suggérer des thématiques en commentant la publication sur Substack et/ou passez le mot auprès de vos amies et amis.
XOXO