Musique de résistance (surtout contre les tounes faciles des Fêtes)
Pis contre le patriarcat et l'industrie de la musique aussi!
Comme on commence à avoir fait le tour de ma damnée fracture, je vais devoir lancer cette édition de l’infolettre en vous parlant du plus récent concert que j’ai été voir.
Samedi soir, j’ai eu la chance de voir un brelan à la fois bigarré et délicieusement complémentaire sur la scène de la vénérable Casa Del Popolo.
Tout d’abord, on a eu droit au rock étriqué de Cornette, trio rassemblant Bruno Lamoureux (Marmottes Aplaties), Patrick-Paul Michon (Dirty Tricks) et Gabrielle Oltra (Chou). Punk, rock indé façon nineties, garage suédois, voire surf, le combo ratisse large, tout sourire. Vivement la suite.
Venait ensuite Maxime Gervais, version punk horny à la The Cramps, avec ses petits trous de balle.
Deux constats :
il n’y a pas assez de bands locaux avec des saxophonistes.
Deuxièmement, peu importe le genre musical, voire même son médium de prédilection, Gervais conserve ce talent inné de pouvoir se mettre n’importe quel public dans sa petite poche d’en arrière. C’est une bonne chose qu’il ne considère pas se lancer en politique.
C’était ensuite au tour d’Enfants sauvages, punk engagé de Québec.
Je me dois de l’avouer : j’ai eu peur, c’était dangereux pis j’ai adoré ça. Je me suis même caché derrière mon ami Alexis pour regarder ma montre de peur de me faire fustiger par la chanteuse Rox Arcand, c’est tout dire.
Pour les fans de références, disons que les adeptes de Bérurier Noir, Bikini Kill, Amyl & The Sniffers pis, étrangement, la lutte indé, vont adorer.
Requiem pour les shows locaux
Ça a été répété maintes fois ailleurs, mais quand même : aller voir un show local coûte le prix de deux pints et tu peux être assez proche de la scène que l’artiste peut te puncher dans la face (ce qui est déjà arrivé à mon ami Guillaume lors d’une prestation d’AIDS Wolf, lui qui est pourtant le visage même de la bonhomie).
Le «pire» qui peut t’arriver, c’est d’avoir une anecdote à raconter au bureau le lundi suivant.
Soyons curieuses et curieux. Allons chercher le trouble, viarge!
T’sais, en ce moment sur le site d’Evenko, les pires billets pour aller voir Katy Perry frôlent les 100$. Non seulement c’est cher payer pour voir quelqu’un de la taille d’un pixel sur scène, mais c’est aussi subir Katy Perry.
ÇA, c’est de la véritable violence.
…
Passons maintenant à une activité hautement moins risquée : y aller de petits commentaires accompagnant des trouvailles musicales récentes…
FACE A : 5 nouveautés à (re)découvrir
Loose Ends de Half Moon Run
Noël arrive tôt pour celles et ceux qui trippent sur le chanvre, hein.
Le combo folk rock local refait surface avec un nouveau tube incroyablement doucereux, mais tout de même sympathique.
Pour fans surtout, mais ça se prend bien quand même.
Ce que je suis de Bolduc Tout Croche
On poursuit dans le rock mollo avec un nouvel extrait du projet de Simon Bolduc.
À noter : le single annonce un nouvel album venir nommé Fracture en lien avec… un accident de skateboard. Oui, oui.
Est-ce que Bolduc Tout Croche entamerait lui aussi sa crise de la quarantaine?
Wonderful Christmastime par Matt Lang et As-tu vu le père Noël? par Vanille
Mine de rien, la reprise est un art en soi.
Que veux-tu dire quand tu fais un copié-collé de la pièce originale?
Qui crois-tu être quand tu tritures un classique pour en faire de quoi de complètement différent?
C’est, j’imagine, les questions qui taraudent les artistes, surtout lorsqu’il est question de lancer de quoi pendant les Fêtes…
Bref, Wonderful Christmastime, classique obtus de Paul McCartney, est une bête étrange, un classique des Fêtes surfant entre l’expérimentation et le kitsch.
Pour son adaptation, Matt Lang délaisse la pop country pour transformer le petit morceau sans prétention… en numéro big band ampoulé. Bravo d’avoir osé, j’imagine, mais c’est too much (ou très peu subtil, c’est selon).
Vanille, de son côté, se frotte au classique de Renée Martel de façon plus éthérée, pis - là, là - le dosage est bon. C’est un hommage tout en demeurant de quoi de très propre à l’artiste.
Un nouvel ajout à ma liste d’écoute des Fêtes, coudon’!
Don’t Wanna C Me Rich de Redman
Il y a quelques semaines, le rappeur Buck 65 se désolait dans son infolettre qu’André 3000 juge que les rappeurs vieillissants devraient délaisser le micro, jugeant qu’après un certain âge, tout a été dit.
J’y pense souvent.
Je l’applique ailleurs (en journalisme musical, par exemple).
J’y reviendrai ici bientôt.
En attendant, un rappeur d’un certain âge propose ici un nouveau brulot sur un air connu - faire du cash - pis, on va s’le dire, ça rentre dans l’dash, barbe grisonnante ou pas
FACE B : 5 chansons en lien avec la Journée de la santé cérébrale des femmes
Le saviez-vous? Le 2 décembre, c’est la Journée de la santé cérébrale des femmes.
L’initiative a pour objectif de tenir compte du sexe et du genre en recherche sur la santé mentale, car on dénombre plus de problèmes - allant de la dépression à la démence en passant par les accidents vasculaires cérébraux - chez les femmes que chez les hommes.
C’est également la locomotive devant cette sélection de cinq pièces engagées entonnées par des musiciennes.
Ray de Kate Nash
L’autrice-compositrice-interprète pop et actrice Kate Nash est dans l’actualité ces jours-ci, car le fait qu’elle finance en partie sa présente tournée avec du contenu sur OnlyFans captive les médias.
Êtes-vous triste que la musique ait si peu de valeur? Est-ce qu’on [parlerait de moi dans les médias] si j’avais publié quelque chose comme “Je pars la tournée. La business est d’la marde, aidez-moi à protéger mes employé[e]s et mon intégrité?” Est-ce que ma tournée aurait été en page frontispice de Reddit deux jour de suite? Fuck non. Mon derrière souligne le problème, notait-elle récemment sur Instagram, en faisant référence aux tournées de moins en moins lucratives pour les artistes et tout en soulignant que sa démarche se veut aussi plaisante qu’autonomisante.
Puis, jeudi, elle publiait une vidéo incendiaire où elle dénonçait, devant les bureaux de Live Nation, la fermeture de plus d’une centaine de salles de spectacles en Angleterre au cours de l’année dernière et le fait que les musiciennes et musiciens sont pris à la gorge par une industrie qui dépend pourtant d’eux.
On reviendra d’ailleurs sur la tournée musicale comme charge mentale - et monétaire! - écrasante dans quelques instants, d’ailleurs, mais pour revenir à la musique : Kate Nash faisait proposait cet été 9 Sad Symphonies, son cinquième album en carrière et le premier à paraître sur l’étiquette indé Kill Rock Stars.
C’est sur cet album qu’on retrouve Ray, un petit bijou pop doux-amer qui parle de santé mentale et de cyclisme par la bande, deux sujets qui me tiennent à cœur.
If I can learn to ride a bike by riding round in circles falling down and bruising elbows, grazing knees. Surely I can just apply this theory to everything inside my head that makes me wish that I was dead.
I’m Not A Cop de Laura Jane Grace
Mercredi dernier, l’artiste punk rock Laura Jane Grace y allait d’un fil de discussion sur Threads abordant sa tournée européenne.
La réalité économique d'une tournée européenne d'un mois : Gains garantit par les concerts : 68 885 $. Dépenses totales : 86 090 $. Pour atteindre le seuil de rentabilité, il faudrait 20 000 $ de ventes de marchandise. Si la tournée génère des bénéfices, toutefois, la gérance prendra une commission de 17 777 $. Pour couvrir mon paiement d’hypothèque de 2 500 $, il faudrait déjà 40 000 $ de bénéfice net avant que je touche un sou. Je déteste l'industrie de la musique. Brûlez-la.
Et ça, c’est sans compter que de plus en plus de salles de spectacles gobent un pourcentage des ventes d’items vendus lors de concerts ou le fait que Laura Jane Grace joue parfois dans des salles si intimistes qu’il faudrait que chaque fan achète un ou deux chandails pour l’aider à atteindre ce fameux seuil de rentabilité.
Ça. Va. Mal, bref.
Côté toune, j’aimerais vous dire qu’elle est glissée ici parce qu’on y dénonce l’autorité, voire le patriarcat, mais c’est surtout parce que c’est ma préférée de son album Hole In My Head paru en février dernier.
Nelly de Pomme et Baby One More Time par Angèle
Combo de pièces ici pour aborder Pour Britney de l’autrice française Louise Chennevière, une œuvre aux critiques dithyrambiques qui aborde autant les destins tragiques de Nelly Arcan et Britney Spears qu’une colère, fort justifiée, envers le regard masculin et ses conséquences.
Pour l’anecdote, un des premiers rendez-vous avec ma blonde était un visionnement du documentaire Framing Britney Spears et, plus ça avançait, plus je me rendais compte que c’était une mauvaise idée de film pour un rendez-vous galant, disons...
Boys Will Be Boys de Fleur de peau
Duo synth pop de Québec, Fleur de peau proposait son album Contre-Sens en mai dernier. L’extrait Boys Will Be Boys aborde les comportements toxiques de la gent masculine et le poids qu’ils trainent avec eux.
T’as fait de moi une terroriste, mais boys will be boys.
Le mot de la fin
La semaine prochaine : d’autres nouveautés et une thématique beaucoup moins pertinente, mais plus légère.
À bientôt!
On était au même show!!